Fred Poulet

20.00 

LABEL : Médiapop Records + Dernière Bande

Gentleman cabrioleur

On pourrait commencer par dire que l’œuvre discographique de Fred Poulet se situe exactement dans la fenêtre de la grande crise de l’industrie, un peu avant et un peu après l’an 2000. Déjà, ça date les choses, peut-être même que ça forge le caractère et introduit une petite dose de tragédie dans le tableau général. Aujourd’hui, alors que l’on se met la rate au court-bouillon avec la nouvelle chanson française, la variété chic qui ne serait pas assez ceci ou pas assez cela, Poulet annonce son retour en discophilie ce qui risque de terriblement compliquer le débat. Parce que voilà : qu’il vende ou qu’il ne vende pas, le Français qui chante commence toujours par geindre, s’inquiéter de ne pas être suffisamment brillant ou de ne pas paraître intelligent.  Mais la question est pourtant simple,  est-ce que geindre, c’est chanter ? Pas exactement et c’est toute la veine de Poulet, sa déveine également : trop affuté, trop travaillé. Trop branleur en même temps.

Là-dessus, on ne va pas épiloguer parce qu’avec Fred on est au-delà des polémiques. Gentleman certes, mais cabrioleur, orfèvre du bond, de l’entrechat et de la voltige. Avec quelques galipettes en sus. Cabrioleur de cabriolet, voyageur en décapotable avec juste le bruit des camions.  Guitare, basse, coquillages et crustacés, attentif à la froide ironie de la langue, et en même temps à sa langueur fiévreuse. « Toute une vie », sur la route de l’Italie, « Ça alors » pour l’évidence de la rime, du blues peut-être. Souvent, c’est imperceptible, c’est parfois même très léger. Comme dirait le plus âgé des deux gars qui vont se faire fusiller, t’inquiètes, ça ne va pas faire mal et puis, surtout, ça ne va pas durer longtemps.   

Poulet, c’est un gars intéressant, mais pas facile à  cerner.  Par la suite, il a fait son chemin, il s’est évaporé, sans heurts… J’aimais bien ce qu’il écrivait,  disait feu Pierre Barouh.  Finalement, c’est peut-être  le plus grand des voleurs ; celui qui a  recombiné le truc;   revu et corrigé les chansons comme on repeindrait une salle de bain, comme on entre en cuisine.  Le plus élégant avec ses gants, ou bien sans gants, c’est cette espèce de standard qui devient génial, cette façon de ne pas y toucher et de parvenir on ne sait trop comment à ne jamais marcher sur de la merde.

Le prochain stop, c’est donc « The soleil »,  Dernière bande, le label et le compagnonnage de haute-volée de Maxime Delpierre (Joakim, Jeanne Added) pour la musique et la réalisation;  plein soleil sur la route et gros zoom sur tout ce qu’on y a semé : cinq ou six albums, au moins deux films, plein de chroniques sportives et, enfin, quelques séquences de grosses actualités en glissando, ou plutôt en glissades progressives, déhanchements de crooner qui remet les pendules à l’air du temps détraqué du rock’n roll. En bref, une œuvre brillante,  ultra-compétitive dans une discipline inconnue (« Pornoricain »). En termes de buzz, franchement,  on est bien.

Antoine Couder

MPR020 – Fred Poulet – The Soleil Vinyle 33T LP

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